MES VOYAGES DANS LE SUD MAROC

« Ombres et lumières du Maghreb »

GERARD BOUKHEZER

Le Maroc, un appel venu de loin

Mars 2005, un jour de printemps.

Je suis à bord du vol 770 sur un A330, il est 9h35 et nous prenons notre envol vers le Maroc, vers le soleil. Pour mes futurs travaux picturaux, je voudrais vivre la découverte de ce nouveau monde et faire l’expérience de cette nouvelle vie. J’ai hâte d’arriver à Marrakech, à la medina, ville magique qui rend amoureux du Maroc et surtout découvrir le Sud marocain au-delà de Ouarzazate. J’ai le sentiment profond que je vais vivre des émotions intenses en découvrant ce monde qui m’est en fait inconnu. J’ai cependant la sensation de connaître le parcours de ce voyage. J’ai l’impression d’avoir séjourné dans ce pays, d’y avoir déjà vécu et d’avoir déjà pratiqué ses pistes…

Est-ce la voie du sang qui parle? Est-ce le fait de revenir dans un passé que j’ai dû connaître dans une vie antérieure de mes origines paternelles kabyle? Est-ce un appel fortuit d’une autre dimension?

Aujourd’hui, j’ai envie de savoir comment est cette vie, de découvrir l’existence de ce monde berbère et nomade. Je voudrais essayer de le transmettre dans mes peintures. Vais-je y arriver? A ma mesure, je pense et cela se fera avec mon coeur et tous mes sentiments.

Le Maroc est un pays qui m’attire énormément, tant sur le plan artistique et culturel que sentimental et émotionnel. La plupart des peintres du 19 ième et 20 ième siècle ont connu cet attrait pour ces pays d’Afrique du Nord. J’aurais aimé partager ce temps avec ces passionnés d’aventure, explorer un monde pur, vrai et naturel. Je pense pouvoir, aujourd’hui encore, ressentir des palpitations puissantes, car même si ce monde s’est modernisé, ses racines restent bien implantées. Ce que je désire, c’est en tirer une vive impression. Je voudrais connaître la beauté de ce pays, sa lumière, son enchantement, sa magie. Dans la vie d’un artiste peintre, je pense nécessaire et indispensable ce passage par l’Afrique du Nord qui peut être une initiation à une certaine lumière.                            Cette Afrique du Nord a été visitée et peinte par les plus petits et les plus grands peintres de ce monde. Ils ont certainement eu cette même ferveur, l’envie de faire cette découverte, d’avoir cette émotion toute pure et cette conscience très forte de créer, même en ayant comme chevalet une simple chaise et du matériel rudimentaire.

Ces peintres ont, comme je vais le faire, découvert des paysages extraordinaires aux couleurs chatoyantes et surtout une lumière que l’on n’a pas en Normandie, l’autre partie de mes origines maternelles. Les lumières là bas sont différentes mais tout aussi subtiles. de toutes les manières, Normandie ou pays du Maghreb ou d’ailleurs, il faut vivre ces lumières, être présent, les capter. Indescriptibles, il faut les découvrir, les palper et ressentir l’atmosphère dégagée par ces lieux.

Je pense à mes futurs instants de liberté et de joie quand je contemplerai les mystérieux paysages tant rêvés et attendus. Je peux comprendre dans quel état d’émerveillement et d’épanouissement pouvaient être ces peintres. Ayant vu diverses expositions en France sur l’orientalisme et certains documentaires sur les pays d’Afrique du Nord, ayant lu des livres sur ces peintres, je ne m’étonnerai pas d’être moi aussi rempli d’une sorte d’ivresse des sens à la vue de ces paysages, de ces oued, de cette culture riche en tous points.

L’excitation du voyage est forte. Cela fait huit ans que j’attends et je désespérais presque d’y venir, mais cette patience a été bénéfique. A l’intérieur de mon esprit, des images se forment… Je n’imaginais pas que mon état émotionnel serait aussi fort. C’est un rêve qui va se réaliser. J’ai soif et faim de parvenir à connaître cette terre. Aujourd’hui, mon esprit est déjà rendu au Maroc. J’ai hâte d’arriver.

Nous survolons le détroit de Gibraltar. Le temps est superbe et nous pouvons commencer à voir se dessiner à travers le hublot, les côtes marocaines. C’est fabuleux, ça éveille en moi des sensations émouvantes. Dans peu de temps, je serai sur cette terre tant désirée. Nous passons au-dessus de terres arides et nous amorçons la descente.

Traversée de petits nuages et le paysage redevient net. Le train d’atterrissage est sorti et voilà, nous roulons! Je m’apprête à quitter l’appareil. Petite bousculade à la sortie… Normal. Je suis impatient! Après avoir quitter la Normandie, le plancher des vaches, j’ai très envie de fouler le sol marocain plancher des dromadaires, si je peux dire! En descendant la passerelle, je prends mon temps, savourant chaque marche. Mon émotion est intense et je pose le pied droit sur le tarmac: ça y est, je touche le sol de mes souhaits, de mes désirs et de mes ancêtres. C’est un moment très fort. je suis ému et heureux d’être là…/…

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« Visita Interiorem Terrae, Rectificando, Invenies Occultum Lapidem ».

« Visite l’intérieur de la terre et, en rectifiant, tu découvriras la pierre ».